Je fais de drôles de rêves. Difficile de savoir de quoi ça parle vraiment, si ce n’est que j’ai bien conscience d’avoir le cœur qui bat à cent à l’heure et j’ai mal à la tête en même temps. Je ne suis pas très bien, c’est évident. J’ai vaguement conscience de dormir, que je ne suis pas dans mon état normal et donc, que ça veut très certainement dire que je me suis couché bourré. C’est étrange ce genre de situation que je ne contrôle pas vraiment, où j’ai l’impression d’avoir une certaine conscience quand même de ce qu’il se passe, mais sans pouvoir agir, sans pouvoir être quoi que ce soit d’autre qu’une espèce de spectateur. Je continuais de rêver, ayant même conscience que je devais bouger. Je continue de voir et de sentir ces ombres tourner autour de moi, avec le sentiment que des mains griffues cherchaient à m’attraper. Je sais que je cours vite. Enfin, je courrais vite avant, maintenant c’était moins évident, mais je sais aussi, j’en ai la conscience profonde, que même si j’arrivais à courir aussi vite que possible, jamais je ne pourrais échapper à ces choses qui m’attendaient dans l’obscurité. J’entends des coups de feu que j’identifie comme des tirs de FAMAS, et j’entends des bruits de bottillons. Des voix en français dans le micro de mon casque. Paniquées. Mes hommes se font tuer par ce monstre qui tourne autour de nous et je ne croise que des reflets dans deux yeux sombres, comme quand vos phares croisent un renard sur le bord d’une route. Les yeux me dévisagent, et je me sens devenir proie.


Je me réveille en sursaut. Je ne sais pas si j’ai crié, ou si j’ai lâche une exclamation, mais j’ai la bouche entrouverte et mon torse se soulève rapidement J’ai mal aux yeux putain, et aux tempes aussi. Je sursaute une seconde fois quand je sens quelque chose de chaud contre moi, que j’identifie tout de suite comme un corps humain. Un corps de femme. Je sursaute sur le côté et regarde la silhouette. Et vois une jeune femme nue, dont je me rappelle immédiatement. Je soupire et ferme les yeux.


| Oh, putain. |


Je me laisse retomber dans le lit et je gémis en plaquant mes mains contre mon visage pour le frotter, pour le frictionner. Ah, merde. J’étais à poil, elle était à poil, putain, Phil, c’est la pote de tes gosses, elle a moins de la moitié de ton âge. Oh, bordel.


| Salut. Euh… Désolé pour le réveil. Je dors pas très bien en ce moment… Ca va ? |


Maintenant j’avais plus qu’à assumer la merde noire, épaisse, dans laquelle je me mettais constamment.

Ah putain, mais qu’est ce que j’avais encore foutu moi… Ben littéralement, une jeunette assez avenante. Une petite voix dans ma tête me disait que d’une part ce n’était pas la première fois que ça arrivait, et que ce ne serait pas la dernière. En plus celle-là était pas mal foutue… De petits seins certes, mais bien galbés, une super chute de reins et tout… Putain, j’étais pas croyable. Je foutais un peu plus en l’air un mariage de vingt ans et une vie de famille pour m’envoyer en l’air avec des jeunettes. Putain. J’étais vraiment le dernier des cons. Je me mettais sur le côté pour commencer à me mettre en quête de mes affaires, grognant et soupirant bruyamment alors que la migraine me donnait l’impression qu’il y avait un poids mort dans ma tête, juste derrière mon front. Sa voix chantante renforçait mon mal de crâne et là tout de suite, j’avais envie d’une clope, d’une douche, d’un plat chaud ou d’un nouveau verre de whisky, même si j’avais mal au bide en plus du reste. Je me détestais pour ça aussi tiens. Et voilà qu’elle me tend un cachet. Et de l’eau. Je la remercie d’un signe de tête, et j’enfile le tout d’une longue gorgée d’eau, ne pouvant pas m’empêcher de faire diversion de ma gêne avec un trait d’humour.


| Ah ça fait du bien… Ca faisait dix-sept ans que j’en avais pas bu. |


Ok pour le sens de l’humour on repassera. Je ne rentrais pas dans le détail de la conversation alors que Gaia me racontait sa vie sur elle et son amie. Plus j’en dirais, plus ça créerait de lien. Plus on créera de liens, et plus ce sera la merde, parce que plus il y aurait de chances pour qu’on baise encore ensemble et franchement, je serais bien le dernier des cons de donner autant de munitions à Jaana pour l’hypothètique divorce qui pourrait suivre. La jeune femme reprend la parole et me dit qu’elle était réveillée avant moi. Enfilant mon caleçon et mon pantalon en vitesse, malgré un équilibre précaire, je dévisage un instant la jeune femme d’un regard cave, avant de trancher doucement, d’une voix que j’essayais de rendre plus douce que ce que l’impulsion me dictait.


| Non, pas du tout. C’était un simple cauchemar, ne t’en fais pas. |


Je continue de me rhabiller, et quand j’ai fini, je me rasseois un instant à côté d’elle. Putain, même ma chemise sent la vinasse et le cul.


| Ecoute… C’était super, cette nuit, vraiment. Mais j’avais pas toute ma tête. Je veux pas dire que je ne le voulais pas, ni que tu n’es pas attirante. Mais je suis marié. Et je suis le père de tes amis. Je ne dois pas, euh… plus, faire ce genre de choses. D’accord ? Il faudra que ça reste entre nous. |


Je l’embrasse sur l’épaule, puis je me lève. Avant de passer la porte, j’ai presque envie de me retourner. Mais non. Ca ferait plus de mal que de bien. Je laisse un gros billet sur la tablette.


| Pour la chambre. C’est pas à toi de payer pour mes bêtises. |


Et m’engouffre dans le couloir.